GrowthKills

Pourquoi la croissance tue

La crise écologique est une menace existentielle pour la vie sur Terre. Le GIEC estime que, sur notre trajectoire actuelle, il est très probable que nous dépassions même la limite des 2 degrés ¹ et que plusieurs points de basculement soient franchis ², au-delà desquels le réchauffement climatique s’accélérera de manière incontrôlée et les phénomènes météorologiques extrêmes deviendront la norme, ce qui conduira à une extinction massive.³ En outre, avec l’effondrement de la biodiversité et les pollutions de toutes sortes, 6 des 9 limites planétaires ont été franchies ⁴, causant des dommages irréversibles à la vie sur Terre et mettant en péril la sécurité alimentaire et hydrique. Face au plus grand défi jamais posé à l’humanité, nous devons prendre des mesures immédiates pour limiter cette catastrophe en cours.

En tant que citoyens européens, nous portons une lourde responsabilité dans cette catastrophe. La consommation écologique du citoyen européen moyen est 2,8 fois supérieure à la capacité de régénération de notre planète ⁵, et 5 fois supérieure à celle du citoyen indien moyen.⁶ ⁷ Nous devons donc réduire drastiquement les destructions engendrées par notre activité économique et notre utilisation des ressources naturelles.

Le principal obstacle qui nous sépare des mesures nécessaires est le suivant : la poursuite d’une croissance économique infinie. Nos dirigeants ne cessent de nous faire croire que celle-ci est compatible avec la nécessaire transition écologique, alors qu’il n’existe aucune base empirique indiquant qu’il est possible de découpler globalement et suffisamment le PIB des pressions environnementales ⁸, ni, écrit l’AEE, qu’il est probable que cela devienne le cas.⁹ Nos hommes politiques parient sur le progrès technologique pour atténuer la crise, alors même que les “technologies vertes” présentées ne sont qu’un moyen supplémentaire d’accroître les inégalités et qu’une partie importante de ces technologies sont encore en phase de test, sans que l’on sache si elles sont elles-mêmes respectueuses de l’environnement. ¹⁰ La promesse que la croissance économique entraîne le bien-être humain n’est pas non plus tenue : si l’on considère les 40 dernières années, il n’y a aucune corrélation entre la croissance économique et le développement humain tel que l’alphabétisation, l’espérance de vie et l’éducation.¹¹ Le PIB mesure le bien-être du capitalisme, pas le bien-être des personnes. Voulons-nous continuer à accélérer les profits pour quelques-uns ou créer du bien-être pour tous ? Il n’y a qu’une seule solution : produire et consommer beaucoup moins.

Contrairement aux limites planétaires, le système économique n’est pas une loi de la nature, mais une construction sociale, et il peut être apprivoisé. Le néolibéralisme sauvage qui régit nos vies n’est qu’une invention récente ; auparavant, l’État était beaucoup moins réticent à intervenir dans l’économie pour le bien général, et beaucoup plus réticent à intervenir au profit du capital privé. Combien de mesures pourrions-nous mettre en place avec les budgets accordés au secteur privé lors de la crise financière de 2008 ou de la pandémie de Covid-19 ! Et ne nous leurrons pas : le système économique actuel, axé sur la croissance, est arrivé à saturation et s’effondrera tôt ou tard, même sans pression écologique, la crise financière et la pandémie de covidies l’ont douloureusement démontré. Il nous appartient de choisir entre une réduction contrôlée des secteurs qui ne contribuent pas à la société et une revalorisation du travail essentiel, ou d’assister à un terrible effondrement des deux.

La gravité de la crise écologique exige que nous repensions fondamentalement le système économique afin de garantir un niveau de vie décent à tous les citoyens dans les limites de la planète. Nous appelons donc le gouvernement de l’UE à abandonner la croissance comme objectif économique et à lancer un plan d’urgence écologique européen socialement juste pour réformer fondamentalement l’économie, sous contrôle démocratique.

Demandes

1. Abandonnons les indicateurs économiques comme mesures de la prospérité

Le PIB est un indicateur biaisé qui ne mesure pas correctement la prospérité : il mesure la santé du capitalisme, et non le bien-être de la population et de l’écosystème. Les Nations unies reconnaissent que le PIB a été “utilisé à tort comme indicateur indirect du développement et du bien-être de la société dans son ensemble”. Stopper l’utilisation du PIB permettrait un changement de mentalité à long terme en remplaçant la croissance par le bien-être au cœur des préoccupations politiques. La campagne GrowthKills demande aux gouvernements de cesser d’utiliser tout indicateur économique pour mesurer la prospérité.

2. Créons des assemblées citoyennes souveraines

Seules des démocraties stables, fiables et soucieuses du bien commun peuvent donner naissance à un mouvement social capable d’enrayer un effondrement systémique. Les nombreuses expériences d’assemblées citoyennes sur le climat au cours des trois dernières années ont montré que les personnes informées de manière indépendante par la science prennent des résolutions en faveur de politiques publiques de suffisance et de réduction drastique de la consommation de biens, de matières premières ou d’énergie. La participation des citoyens renforce la démocratie représentative car ils ne sont pas influencés par des groupes d’intérêts et ils ont la possibilité de décider réellement de leur avenir. C’est pourquoi nous demandons la création d’assemblées citoyennes permanentes, souveraines et dotées de garanties contraignantes aux niveaux national et régional.

3. Faisons payer aux entreprises le coût réel de leurs activités

Les coûts externalisés sont des coûts générés par les entreprises qui sont payés par la société dans son ensemble. Par exemple, une usine peut polluer l’eau en déversant ses déchets dans une rivière sans payer pour cela. En se déchargeant de ces coûts environnementaux et sociaux, les entreprises alimentent la crise environnementale en toute impunité. Nous exigeons des gouvernements qu’ils fassent payer les entreprises pour leurs dommages environnementaux : pour leurs émissions de gaz à effet de serre, mais aussi pour tous leurs crimes contre le monde vivant.

4. Stoppons la surconsommation

Une minorité d’êtres humains consomme au-delà des limites de la planète, nous ne sommes pas tous responsables de la hausse des températures. Cette surconsommation de biens, d’énergie et de certains services est nuisible à notre bien-être et à celui de la planète. Elle ne sert qu’à enrichir une poignée de multinationales et de milliardaires. Les produits et services les plus polluants doivent être interdits ou leur utilisation plafonnée. Nous demandons également l’interdiction de toute publicité pour les produits nuisibles à l’environnement et des normes de qualité plus élevées pour tous les produits afin d’éviter l’obsolescence programmée.

5. Réapproprions-nous les biens communs

Au lieu de s’accaparer les ressources essentielles pour un usage personnel occasionnel, il faut les traiter comme des biens communs : partagés et maintenus sous contrôle démocratique pour un usage équitable par tous. Nous demandons la socialisation des biens communs tels que l’eau, l’énergie, les transports, la santé, l’éducation, le logement, … La réappropriation de ces biens communs permettrait de les retirer du contrôle d’intérêts privés obsédés par le profit et les placerait sous la gestion collective et démocratique des personnes qui les produisent et en bénéficient. Il s’agit d’un élément clé pour assurer la justice sociale, car il garantit l’accès de tous aux biens et services essentiels.

Remarques générales

  • Nous évitons le terme de décroissance pour éviter les connotations et les malentendus. La décroissance est définie comme le déclin de la consommation et de la production, et non du PIB à tout prix. Il importe peu que les mesures de décroissance affectent le PIB positivement ou négativement.
  • Nous ne proposons pas consciemment un indicateur économique alternatif au PIB pour nous éloigner de l’idée qu’il faut utiliser des indicateurs. C’est aux assemblées de citoyens de décider.
  • Les mesures que nous proposons sont des mesures d’urgence pour une première phase de la transition. C’est à l’assemblée des citoyens de décider de la suite, et en particulier de la manière de garantir une transparence et une responsabilité radicales de l’exécutif.

Références

Sources supplémentaires